tigrOU est au départ un collectif de 9 personnes qui s’est constitué au fil des rencontres organisées par l’association PAN ! depuis l’année 2013. Mais comme tigrOU est ouvert, toutes les personnes venant contribuer à ses activités sont considérées comme faisant partie de tigrOU.
Son objet concerne l’étude, le développement et la diffusion des technologies intellectuelles, à l’époque des médias techniques – de l’invention de la photographie à celle de l’intelligence artificielle. Mais plus largement les techniques intellectuelles désignent l’ensemble des techniques et dispositifs par lesquelles un contenu de pensée peut prendre forme, s’utiliser, se conserver, se transmettre et se diffuser dans les sociétés humaines et non humaines.
L’écriture est le modèle de t.i. le plus évident, celui que les philosophes, anthropologues et artistes ont le mieux étudié et documenté à partir des années 60. Son caractère central est une des raisons pour lesquelles tigrOU se rattache d’abord au champ des pratiques et dispositifs poétiques.
Cependant, elle n’est que la partie émergée de l’iceberg. tigrOU s’intéresse à toutes les formes de technologies intellectuelles, qu’elles relèvent de l’oralité ou de l’écriture, qu’elles mobilisent le corps ou la machine, qu’elles passent par des tactiques individuelles ou des stratégies collectives, qu’elles se développent dans les cultures orales, écrites, dans les nouvelles cultures numériques, ou même dans les sociétés animales.
Pour tout dire, le concept de T.I. est flou, et comme ses contours ne sont pas bien délimités il peut agglutiner toutes les techniques humaines dès qu’on les prend sous un certain angle, toute technique est une forme de pensée.
On peut dire que le concept de "jeu" est un concept aux contours flous. – « Mais un concept flou est-il vraiment un concept ? » – Une photographie qui manque de netteté est-elle vraiment l’image de quelqu’un ? Est-ce même toujours un avantage de remplacer une image indistincte par une image nette ? L’image indistincte n’est-elle pas justement celle dont nous avons besoin ?
De bonnes questions à se poser lorsqu’on réfléchit aux techniques ne concernent pas seulement le comment (« comment s’en servir ? »), ni le pourquoi (« à quoi elles servent »), mais aussi le pour qui : « pour qui on les invente ? », « qui en fait usage ? », « qui y a accès et qui n’y a pas accès ? »
Les technologies intellectuelles ne sont pas neutres ni extérieures aux êtres qui les utilisent : configurant les espaces de nos interactions collectives, elles conditionnent de façon souvent inaperçue nos façons de faire et de penser.
Lorsque nos actions se répètent, se règlent, se transmettent, deviennent des pratiques à part entière, elles produisent fatalement des images d’elles-mêmes. C’est ainsi qu’elles s’institutionnalisent, fût-ce modestement, deviennent des formes d’agir collectives qu’on peut légitimer, des objets de discours et d’étude.
Mais en se figeant ainsi en “images institutionnelles”, paradoxalement, nos pratiques s’opacifient et s’éloignent de nous. Qui n’a pas fait cette expérience de fausseté, de dissonance entre l’image qu’une institution (se) donne d’elle-même et l’expérience que nous pouvons en faire en tant qu’agent ou usager. Qui n’a pas ricané ou été interloqué en entendant par exemple les devises de Google ou de FranceCulture, en regardant les photos de bigmacs et leurs légendes sur la carte du Macdo .
Ce constat tout simple est à l’origine d’attitudes ou de méthodes critiques diverses en art et sciences humaines : on peut refuser ces images, les bloquer, les retourner contre leur origine (par exemple dans la poésie dite “blanche” ou “l’art institutionnel”), faire la critique de leur économie ou de leur généalogie, de leur logique (et rendre ainsi la “réalité inacceptable” ou pointer ce qu’elles contient de non-sens ou d’archaïsmes politiques), déconstruire les idéologies qui les informent. Refuser les images, les saboter, construire des images alternatives…
Les ateliers Tigrou ont adopté une autre approche : puisque nos pratiques ne sauraient montrer ce qu’elles sont globalement ni donner d’elles des vues synthétiques satisfaisantes, claires et complètes, cherchons à connaître ce que font de l’intérieur ceux qui s’y adonnent malgré tout : par quelles séries d’actes tâtonnants, par quelles techniques personnelles ad hoc ces usagers dans le flou parviennent-ils concrètement à activer les institutions dont ils se servent (ou qu’ils servent) ? Que fait-on réellement quand on s’organise pour optimiser son travail ? quand on négocie ? Quand on perce à jour les intentions cachées de nos supérieurs hiérarchiques ? Quand on proteste officiellement ? quand on évalue un collègue ou conteste une évaluation ? etc. De là vient la notion de technologie intellectuelle : un art du faire individuel, singulier et tactique qui cherche à agir dans des contextes où les règles de fonctionnement ne peuvent pas être communiquées de façon fiable et transparente.
Au lieu, donc, de chercher à re-cartographier l’institution, on examinera ici la variété de ces technologies intellectuelles. On se demandera comment les représenter avec une finesse suffisante, comment les répertorier et en faire l’histoire. Un travail qui s’apparente donc plus au carottage localisé de certaines zones opaques du pouvoir.
Vous aussi, parlez-nous de vos pratiques de négociations ordinaires en répondants aux question ci-dessous :
Partagez une de vos expériences d'écriture collective :
Qu'est-ce que tigrOU ?
Rencontres organisées à l'automne 2021. Y a-t-il des techniques pour négocier ? Sont-elles accessibles et à qui ? Comment les apprend-on ? Règle du jeu : racontez une de vos pratiques de négociation ordinaire. L'ensemble de ces échanges s'est tenu en présence et en téléprésence, les enregistrements sont progressivement mis en ligne.
Rencontres organisées en mars 2022 à Limoges. Les 12 et 19 mars, des ateliers micro-édition sont ouverts à Lavitrine.
Règle du jeu : un·e invité·e (artiste, aut·eur·rice, édit·eur·rice, cherch·eur·euse, militant·e...) présente en une quarantaine de minutes maximum une de ses recherches en cours. Son contexte, ses motivations, les problèmes auxquels elle répond, ses méthodes et les formes qu’elle prend... But : présenter aux participant ·e ·s les outils utilisés, fabriqués ou testés pour mener à bien cette recherche, et les ouvrir la discussion collective. L’ensemble de l’atelier des recherches se déroule en présence et en téléprésence, en direct et en différé.